Distributions vocales de premier ordre, directions orchestrales sans cesse inspirées : « La Flûte enchantée » et « Le Retour d’Ulysse » en version de concert confortent le Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune parmi les rendez-vous essentiels de l’été.
Jérémie Rhorer dirigeant « La Flûte enchantée » en version concert promettait le succès. Le chef est l’un des meilleurs connaisseurs et interprètes de Mozart et c’est avec son « Idoménée », à Beaune en 2006, qu’il se fit connaître d’un large public, donnant alors un élan à un parcours désormais des plus brillants. De l’ultime opéra du compositeur, il semble avoir, sinon épuisé, du moins cerné l’étourdissante diversité. Histoire d’amour, récit initiatique, conte féerique, manifeste maçonnique, farce populaire, drame : aucune oeuvre de Mozart n’emprunte autant de directions, signalées par des styles musicaux les plus variés. Il faut de ce casse-tête faire une réussite, de cette complexité un modèle d’évidence.
Flûte enchanteresse
Pari tenu dès l’ouverture, où les thèmes se répondent comme des acteurs puis, tout au long de l’opéra, chaque épisode trouvant son ton, sa couleur, son tempo, le plus naturellement du monde : paradoxe d’une maîtrise qui semble laisser les éléments s’organiser. « Flûte » enchanteresse par la grâce et l’efficacité de sa direction mais aussi par la beauté radieuse du Cercle de l’Harmonie dont les instruments anciens font miroiter mille couleurs et nuances. Et par une distribution de haut vol où chaque voix caractérise le personnage : le prince Tamino, vaillant et délicat, de Matthew Newlin ; la princesse Pamina à la voix voluptueuse et à la sensibilité dramatique exceptionnelle de la soprano Mari Eriksmoen ; la Reine de la nuit aux sombres projets et aux aigus lumineux de Christina Poulitsi ; le Papageno irrésistible de drôlerie et de naïveté de Riccardo Novaro et la délicieuse Papagena d’Elena Galitskaya. Une telle justesse de tous les instants ne fait pas regretter une seconde la scène, Mozart ayant déjà bâti le théâtre dans sa musique.
Miracles de beauté
Monteverdi, lui, le confie davantage au texte ce qui rend son « Retour d’Ulysse » sans doute un peu moins accessible, malgré des miracles de beauté, aux amateurs de seuls « beaux airs ». On y parle en musique plus qu’on y chante et il faut alors donner aux mots leur poids, aux phrases leurs sens. La contralto Anthea Pichanick le sait et, dès son apparition, elle bouleverse par sa douloureuse plainte, adressée à son époux Ulysse, parti guerroyer à Troie, superbement incarné par le ténor Valerio Contaldo. Il faudrait citer chacun des douze interprètes qui ont investi leur rôle d’une puissante charge émotionnelle, stimulés et soutenus par le chef Stéphane Fuget et son orchestre Les Epopées. Faire confiance au compositeur reste manifestement une idée à suivre.
FESTIVAL INTERNATIONAL D’OPÉRA BAROQUE ET ROMANTIQUE DE BEAUNE
www.festivalbeaune.com , jusqu’au 31 juillet.
Philippe Venturini